02 - Le peuple de Nowruz | Quatre renaissances iraniennes | RoohSavar
Dans cet épisode, nous allons parler de Nowruz, le nouvel an iranien, symbole culturel de tout un pays mais aussi des peuples au-delà des frontières géopolitiques actuelles de l’Iran actuel.
Nowruz, le Nouvel an persan, correspond à l'équinoxe du printemps. L'origine et le moment de l'apparition de Nowruz sont mal connus. Nowruz n'est pas seulement une fête célébrant l'arrivée du printemps. C’est également le symbole culturel de tout un pays mais aussi des peuples au-delà des frontières géopolitiques actuelles de l’Iran, un élément d'union entre Persans, Kurdes, Azéris, Lurs, Mazanis, Gilakis, Tadjiks, Hazaras, Pashtouns, Arabes, Baloutches, etc. Les habitants des différentes régions du plateau iranien le célèbrent encore de nos jours. Nowruz est considéré comme le début du Nouvel An en Iran et en Afghanistan et il est officiellement férié dans d'autres pays tels que le Tadjikistan, la Russie, le Kirghizistan, le Kazakhstan, la Syrie, l'Irak, la Géorgie, l'Azerbaïdjan, l'Albanie, la Chine, la Turquie, le Turkménistan, l'Inde, le Pakistan et l'Ouzbékistan. Il reste la plus importante célébration annuelle de l'Iran moderne.
Certains récits historiques affirment que cette fête existait déjà sous l’empire néo-babylonien. Selon ces récits, la version actuelle de Nowruz en Iran remonte à 538 av. J.-C., lorsque Cyrus le Grand conquiert Babylone. Selon d’autres récits, Zoroastre, le fondateur de la religion historique de plusieurs des peuples iraniens tels que les Peres, les Mèdes, les Perthes et les Sakas est considéré comme le fondateur de Nowruz. Parmi toutes les fêtes de l’Empire perse qui ont été oubliées après la conquête de l’Iran par les Arabes vers le VIe siècle, Nowruz a pu conserver son statut de fête nationale en Iran jusqu’à nos jours. La raison de la persistance de Nowruz dans la culture iranienne peut s’expliquer par le lien profond qui unit les Iraniens à leurs rituels, à l’histoire de leur pays et à leur mémoire culturelle. À travers Nowruz, on peut apprendre beaucoup de choses sur l’Iran et les Iraniens. Voici deux des enseignements les plus essentiels.
Une conception naturaliste du Monde
Tout d'abord, il est important de souligner la place centrale que prend la nature, ouvrant ainsi des possibilités de réflexions quasi rationnelles sur l'univers (bien évidemment on ne parle ici pas de la rationalité cartésienne). Les Iraniens ont commencé à célébrer Nowruz comme moment de renaissance de la Nature, de la vie végétale et animale. Tout comme pour la Nature, les Iraniens pensent que c'est à Nowruz, le premier jour du printemps, que nous devons commencer l'année avec un nouvel esprit et une attitude nouvelle.
La Nature commence un nouveau cycle et nous offre une nouvelle opportunité de reprendre les choses que nous avons échouées. Ce n’est pas l’Homme qui choisit le moment de célébration mais c’est la Nature elle-même qui le choisit. Les Iraniens se soumettent alors à la Nature et célèbrent Nowruz à la seconde précise. Il s’agit d’un moment précis mais changeant selon un calendrier solaire. Ce jour-là, à midi, le soleil est exactement au zénith sur l’équateur terrestre. Pour l’année 2021 en calendrier Grégorien, cela a eu lieu le samedi 20 mars 2021 à 4h49m37s. Mais l’année d’après, cela a eu lieu le samedi le 21 mars à 16h49m37s tandis que cette année ce sera le 21 mars 2023 à 8h28m10s. Nous devons cette méthode de calcul des prédictions à Omar Khayyam, (1048-1131) le célèbre mathématicien, l’astronome, mais aussi poète persan.
Une perception spirituelle de l’Univers
Après la Nature, il faut souligner la place importante des mythes et des croyances qui conduisent les Iraniens à adopter une perception spirituelle de l’univers.
Si la cohabitation des deux vous paraît étrange, cela est normal pour les Iraniens, habitués à vivre avec une perception dualiste du monde ; le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, le chaud et le froid (les deux notions centrales de la gastronomie iranienne), l’amour et la haine, le feu et la glace (cela vous rappelle Game of Thrones ?), et enfin, l'existence et le néant.
Les célébrations de Nowruz commencent par la fête de Tchahârchanbé Souri, appelée aussi Fête du feu. Elle est célébrée la veille du dernier mercredi de l’année par les Iraniens depuis au moins 1700 ans avant Jésus-Christ (c’est-à-dire depuis la première période du zoroastrisme). À l’occasion de cette fête, des luminaires et des décorations sont installés dans les grandes villes iraniennes, et des feux sont allumés sur les places publiques. Les luminaires et le feu symbolisent l’espérance d'une vie guidée par la lumière et d’un bonheur radieux pour l’année à venir.
Concrètement, les gens allument des feux plus ou moins grands et sautent par-dessus les flammes, en prononçant la phrase : « Zardi-yé man az to ; sorkhi-yé to az man » qui signifie littéralement : « ma [couleur] jaune pour toi, ta [couleur] rouge pour moi » (le rouge est la couleur du feu). Il s’agit d’un dialogue avec le feu qui signifie, figurativement, « je te donne ma pâleur (ou ma maladie), je prends ta force (ta santé) ». Cette fête illustre parfaitement la place considérable donnée aux éléments naturels dans cette cérémonie ainsi que le dualisme poétique qui y est intégré.
Après la Tchahârchanbé Souri et le Nowruz, vient « Sizdeh bé dar », littéralement « le 13, dehors » tel un appel à sortir de chez soi pour profiter des plaisirs de ces journées printanières.
Les Iraniens vont donc, en ce treizième jour de l’année, organiser de grands pique-niques partout dans le pays. C’est la journée nationale de la Nature. Ainsi, les célébrations de Nowruz s'achèvent au milieu des jardins et forêts, aux bords des rivières et mers ou bien dans les montagnes et vallées. L'Iran offre une richesse de paysages dont ses habitants ne manquent pas de profiter dès qu'ils le peuvent.
Nowruz est alors une célébration du retour du printemps, lorsque le soleil commence à reprendre des forces pour vaincre le froid et l’obscurité de l’hiver, et que la Nature renaît. La Nature et le dualisme sont donc les deux éléments fondamentaux caractérisant cette célébration.