05 - Nasim Marashi : « Regardez-moi, je suis une Iranienne et j’ai écrit des livres » | L'Iran, déçu mais debout | RoohSavar
Son best-seller en Iran, « L’automne est la dernière saison de l’année » est traduit en italien et en allemand, mais pas encore en français.
Nous nous sommes rencontrés en printemps 2019 à Paris. Elle venait fraîchement d’arriver de sa tournée d’environ un mois en Allemagne où elle a été invitée à plusieurs salons et événements. En Italie aussi, elle a assisté à dix séances de dédicace de son roman fraîchement sorti en italien. « J’ai eu l’occasion d’échanger avec de nombreuses personnes. C’était vraiment intéressant et enrichissant pour moi. » me confie-t-elle.
« En Allemagne, lors du premier événement, j’ai lu une partie de mon roman. Une femme est venue vers moi et m’a demandé si j’ai été vraiment écrivaine en Iran : ‘Tu as écrit tout ça en Iran ? Les femmes ont le droit d’écrire en Iran ?!’ J’ai répondu : ‘Regardez-moi, je suis une femme iranienne et j’ai écrit des livres et je suis aujourd’hui présente devant vous, qu’y a-t-il d’étonnant dans tout ça ?’ »
Nasim ne comprend pas encore pourquoi cette Allemande était si étonnée.
« Pour moi, en tant qu’écrivaine, c’était assez triste et désagréable de voir que les gens s’intéressaient rarement à mon livre. Au lieu de me poser des questions sur mon roman et ses personnages, on me parlait constamment de la politique interne de l’Iran, des conflits avec les États-Unis, de l’accord nucléaire ou d’Ahmadinejad [qui n’est plus au pouvoir depuis 2013] ! »
Lors de sa tournée européenne, elle constate qu’il existe des volontés, qui lui poussent, à parler de ces sujets, mais pas de son travail littéraire.
« Une fois à Palerme je me suis disputée avec une femme qui ne m’a posé que des questions sur le hijab en Iran. Il existe une obsession en Occident au sujet du voile et du hijab alors qu’il y existe d’autres sujets tout aussi importants en Iran pour les femmes. Dès qu’on parle des femmes iraniennes, on nous parle du voile, comme si on n’avait rien d’autre à faire ou à dire. »
Malgré son opposition évidente du hijab obligatoire, cette obsession la dérange. Elle se retrouve dans une situation compliquée. Elle pense que les opposants et les partisans farouches du hijab obligatoire partagent la même obsession sur le corps des femmes. Son corps est politisé dans le regard du public occidental, mais pas ses œuvres.