17- Quelle place pour le Président dans la République islamique d'Iran | L'Iran, déçu mais debout | RoohSavar
Bien qu'il porte le titre du Président, son véritable rôle est le chef du pouvoir exécutif. Élu par le suffrage universel, il est en réalité un "Super-premier-ministre mais aussi un "quasi-président".
Occupant actuel : Ibrahim Raïssi, président depuis le 3 août 2021
Prédécesseur : Hassan Rouhani, de 2013 à 2021
Dans les années 1980, le pouvoir exécutif est détenu par le Premier ministre, le Président de la République jouant un rôle plutôt symbolique. C’est en effet le Guide, à l’époque l’ayatollah Rouhollah Khomeiny qui était le véritable chef de l’Etat. Nous avons mentionné dans les épisodes précédant les nombreux conflits entre les Présidents et leurs Premiers ministres respectifs durant cette période. Après la révision constitutionnelle de 1989, le poste de Premier ministre est supprimé et ses attributions sont fusionnées avec celles du président de la République. Celui-ci devient alors véritablement le détenteur du pouvoir exécutif. C’est la raison pour laquelle on peut considérer le président de la République islamique d’Iran comme un Super-premier-ministre et non pas un véritable Président de la République. En effet, il n’est pas le chef d’Etat, car le Guide qui joue ce rôle, mais c’est lui qui incarne l’aspect républicain du régime.
Les candidats à la présidence de la République islamique d’Iran doivent être approuvés par le Conseil des Gardiens de la Constitution dont nous expliquerons le fonctionnement prochainement. Le président de la République est élu pour quatre ans au suffrage universel direct. Selon la Constitution, il peut se présenter comme candidat à sa succession qu’une seule fois. Dans la lettre de la Constitution, il est considéré comme le deuxième personnage de l’Etat après le Guide.
Il est le chef de l’exécutif et met en œuvre la constitution. Pour cela, il nomme et préside le Conseil des ministres qu’il nomme avec l’approbation du Parlement. Les ministres de son gouvernement sont responsables individuellement et collectivement devant le Mjles, et il peut lui-même être destitué par le Majles comme on a vu dans le cas d’Abolhassan Banisader en 1981.
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Deuxième personne de l’Etat après le Guide, le Président a la tâche de mener la politique quotidienne du pays. Bien que son action s’inscrive dans la lignée des grandes décisions prise par le Guide, le Président de la République a une marge de manœuvre plus ou moins élevée selon la personnalité politique qui occupe le poste et les rapports de force entre les différentes composantes politiques iraniennes. À défaut d’incarner une véritable légitimité démocratique – les candidatures à la Présidence étant contrôlées en amont par le Conseil des Gardiens de la Constitution, le Président de la République incarne officiellement la légitimité républicaine des institutions de la République islamique. Élu au suffrage universel direct, il peut en effet s’appuyer sur la décision du peuple, même biaisée, compte tenu du taux de participation élevé aux élections présidentielles. En conséquence, son influence politique est plus élevée en pratique qu’elle ne l’est dans le texte constitutionnel.
L’élection présidentielle est devenue le principal rendez-vous électoral dans le pays, en témoignent les taux de participation élevés excepté celle du juin 2021 avec seulement 48.88% de participation. Depuis la disparition du fondateur du régime l’ayatollah Rouhollah Khomeiny en 1989, l’influence de l’institution présidentielle est mise en évidence par les évolutions majeures dans la politique intérieure et extérieure iranienne selon le Président en poste. À la suite de chaque changement de Président depuis la Révolution, on observe un changement significatif de l’orientation stratégique des politiques interne et externe du pays.
À titre d’exemple, on observe bien des ruptures importantes sous la Présidence Khatami (1997 – 2005), qui en s’appuyant sur un parlement largement dominé par les réformistes mène une politique d’ouverture. Au contraire, l’élection du populiste Mahmoud Ahmadinejad en 2005 et le parlement conservateur qui lui est acquis donne une marge de manœuvre importante au Président conservateur populiste. On peut également remarquer une relative ouverture du pays sous la présidence de Hassan Rouhani (2013-2017) contre un durcissement du régime en interne comme à l’international après l’élection d’Ebrahim Raïssi en 2021.
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Liste des présidents :
Abolhassan Bani Sadr (1933-2021),
Parmi le rang des intellectuels musulmans, il est élu le quatre février 1980 (taux de participation 67,42%). En conflit permanent par les forces khomeynistes, il est déchu de ses fonctions le 21 juin 1981 par le Majles.
Mohammad Ali Radjaï (1933 – 1981)
Un simple enseignant de lycée mais un khomeyniste révolutionnaire, il était le Premier-ministre du président déchu mais en réalité son adversaire. Il est élu le 24 juillet 1981 (taux de participation 64,24%) il prend ses fonctions le 2 août mais il fut assassiné quelque jour après dans son bureau avec son Premier-ministe Mohammad-Javad Bahonar le 30 août par le groupe terroriste Moudjahiddines du peuple (également connu sous les noms de MKO), allié de l’ex-président destitué.
Ali Khamenei (né en 1939)
Mandats présidentiels (2) : du 13 octobre 1981 (taux de participation 74,26%), ensuite réélu avec en 1985 (taux de participation 54,78%) jusqu’au 3 août 1989 suite à sa nomination en tant que le Guide de la République islamique d’Iran.
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Ali-Akbar Hachemi Rafsandjani (1934 – 2017)
Il prend le relais d’Ali Khamenei le 3 août (taux de participation 54,59%) et puis réélu en 1993 (taux de participation 50,66%) pour un deuxième mandat de quatre ans jusqu’au 3 août 1997. Depuis cette année, tous les présidents commencent officiellement leur mandat le 3 août qui suit l’élection présidentielle habituellement organisée dans un vendredi du mois de Khordad du calendrier hijri solaire (du 21 mai jusqu’au 21 juin du calendrier grégorien).
Mohammad Khatami (né en 1943)
En mai 1997 (taux de participation 79,92%) il fut élu avec une victoire écrasante contre son adversaire conservateur Ali-Akbar Nategh Nouri, le candidat favori du Guide. Issue de la gauche intellectuelle musulmane mais inconnu sur l’échiquier politique iranien, son élection marque le début du mouvement réformiste. Réélu en 2001 (taux de participation 66,77%), Mohammad Khatami laisse un bilan économique et culturel brillant, mais il ne parvient pas à atteindre les objectifs politiques attendus.
Mahmoud Ahmadinejad (né en 1956)
Élu le 24 juin 2005 (taux de participation 59,76%) contre Ali-Akbar Hashemi Rafsanjadi son come-back raté il devient officiellement Président le 3 août de la même année. Encore un autre inconnu au grand public, l’émergence de Mahamoud Ahmadinejad représente à la fois la déception de l’électorat réformiste, mais aussi une redistribution des cartes entre les conservateurs. Ahmandinejad est désormais le chef de file des conservateurs populiste en contradiction avec les conservateurs traditionnels ou idéologiques.